La prééminence de l’aide informelle aux personnes dépendantes
L’aide informelle aux personnes dépendantes est celle qu’assure l’entourage, avant tout familial. La prééminence de l’aide informelle est historique et avérée. Selon des chercheurs (voir Davin et al 2005), elle aurait représenté en 2005 l’équivalent de 500.000 emplois à temps plein. Si ces emplois étaient valorisés au niveau du SMIC, leur contribution atteindrait 10 milliards d’euros, soit 0,5% du produit intérieur brut national.
Il n’y a pas d’aide professionnelle sans aide informelle. L’intervention d’un professionnel suppose la présence d’une personne de l’entourage. 55% des personnes dépendantes sont soutenues exclusivement par une aide familiale. Elles sont 20% à bénéficier d’un soutien mixte, familial et professionnel, et 25% d’un soutien exclusivement par des professionnels sociaux et paramédicaux. Dans les pays du sud de l’Europe, l’aide familiale tient une place encore plus importante qu’en France. Dans les pays anglo-saxons les prestations sociales sont réduites, et ce sont les mécanismes du marché qui doivent permettre l’émergence d’une offre de soutien.
Ceci fait dire que l’aide informelle, assurée par le conjoint, la famille, les voisins est la « clé de voûte » du maintien à domicile, que souhaitent 71% des personnes non autonomes. L’aide informelle couvre aussi bien l’aide en nature pour les activités domestiques, les contributions financières, l’aide matérielle et relationnelle, et aussi le temps libre passé en famille.
Qui sont les aidants familiaux ?
Les aidants familiaux sont en tout premier lieu les conjoints, surtout les femmes : 85% des hommes dépendants sont aidés par leur épouse, contre seulement 42% des femmes dépendantes qui sont aidées par leur mari. Lorsque le conjoint n’est pas là, les aidants sont les enfants, âgés de 50 à 65 ans, et 3 fois sur 4 ce sont des femmes. Comme l’écrivait l’INSEE, dans son enquête Handicap-Incapacité-Dépendance, « L’aide aux personnes âgées dépendantes repose très fréquemment sur un aidant unique non professionnel, le plus souvent le conjoint, les enfants, et sur les femmes ». L’aide professionnelle se substitue progressivement à l’aide informelle quand la dépendance augmente.
L’aide informelle aux personnes âgées et handicapées bientôt insuffisante ?
D’ici à 2040, le besoin d’aide va doubler, faisant passer le coût de la dépendance de 1,6% à 3,2% de la production nationale alors que selon les chercheurs, le nombre d’aidants familiaux n’augmentera que de 10%. Car notre société évolue, les femmes sont plus nombreuses à avoir un emploi (de 53% en 1974 à 65% en 2007), elles ont des enfants plus tard, les séparations plus fréquentes des couples augmentent le nombre de personnes isolées à aider, les enfants sont géographiquement plus éloignés.
Une part des aidants est fragilisée. L’âge moyen de l’aidant est 60 ans et il a assuré ce rôle depuis 10 ans en moyenne. Plus de la moitié des aidants disent que leur rôle à un impact sur leur activité quotidienne, et les 2/3 sur leurs vacances. Certains évoquent leur isolement et la perte d’amis. Ils sont donc touchés dans leur bien-être physique et moral.
Entre l’aide familiale et la solidarité nationale, l’entraide de proximité ?
L’aide de la famille ne pourra pas répondre au doublement du nombre de situations de dépendance. Et l’aide professionnelle, financée par la solidarité nationale, sera encore longtemps contrainte par les difficultés budgétaires de l’Etat et des collectivités locales. L’entraide de proximité, au-delà du cercle familial, peut apporter une solution à long terme. Le bien-être des personnes âgées dépendantes est un bien commun à tous, au niveau national et dans les territoires. La société civile peut, et doit, jouer un rôle pour préserver ce bien commun, comme elle le fera de plus en plus souvent lorsque la demande de services publics augmente sans que l’on soit en mesure d’en assurer le financement par la collectivité.
La société civile, ce sont des volontaires bénévoles plus nombreux qui s’engagent pour fournir une aide de proximité, soutenir les plus faibles et ressouder le lien social. Il faudra pour cela des professionnels « encore plus professionnels », capables de former et d’encadrer les aidants. Avec pour y parvenir, plus de qualitatif et moins de quantitatif, et deux conditions. D’abord que les tâches d’encadrement des aidants par les auxiliaires de vie soient reconnues par une qualification, et que le temps passé à ces tâches soit mieux rémunéré. Ensuite, qu’au centre des attentions des aidants formels et informels, et autant que le lui permet son état de santé, la personne dépendante ne soit pas une destinataire passive des services prodigués, mais soit actrice de son propre plan d’aide.
Jean Bourdariat
Pour en savoir plus :
Davin B., Paraponaris A., Verger P., 2005, Handicap et dépendance à domicile en France. Etat du financement de la prise en charge, Santé et Systémique; 8; pp.229-259
INSEE, 1999, Enquête HID (Handicaps, Incapacités et Dépendance à Domicile).